Le voleur de cadavres

Bienvenue à Corumbá. Mato Grosso du Sud, porte d'entrée du Pantanal, paradis écologique au coeur du Brésil. C'est dans cette petite ville tranquille gorgée d'eau et de soleil qu'un ex-superviseur de télémarketing a trouvé refuge, fuyant l'asphalte et le stress de São Paulo. Sa carrière professionnelle est entre parenthèses : une gifle malencontreuse dans un moment de pression intense. Le geste est vite regretté mais l'employée, rancunière, se suicide. Par une chaleur accablante, l'homme se rend sur une berge du fleuve Paraguay muni de tout l'attirail du pêcheur du dimanche : moulinet, canne, hameçon, sans oublier la glacière. Somnolant sous l'effet de la moiteur et de l'alcool, il est réveillé par l'explosion d'un monomoteur qui plonge dans le fleuve, tel un martin-pêcheur. Dans l'appareil, le corps sans vie du fils d'un riche éleveur local et, enveloppée d'un plastique épais scellé avec du ruban adhésif, de la cocaïne. Un choix s'impose : "sauver" le cadavre ou se sauver soi-même grâce cette poudre, promesse d'un nouveau départ, loin de péquenots qui n'ont que la fraternité à proposer. La décision est vite prise. L'enfer étant pavé de bonnes intentions, notre " pécheur " associe à son petit business de dealer un voisin miteux qui le mène à la ruine et à un terrifiant règlement de comptes avec des caïds. Embauché sur un malentendu par les parents de la victime, il est aux premières loges pour assister au deuil et tente de soulager leur douleur de ne pouvoir enterrer le corps de leur fils en leur procurant un cadavre. Mais pour ne pas éveiller les soupçons, quoi de plus malin qu'un bon petit chantage ? Fort heureusement, sa petite amie, responsable de la morgue, est rompue aux techniques d'identification des corps. Elle fracture méthodiquement la mâchoire d'un pauvre gueux anonyme qu'ils feront passer pour le fils tant regretté. Et dans ce tourbillon incessant, comment trouver l'énergie de résister à la belle Rita qui prend des bains de soleil en bikini près de la pompe à essence ? Et faire entendre au mari jaloux, qui se trouve être le cousin vous ayant accueilli quand vous étiez au fond du trou, que votre ingratitude n'est pas si manifeste ? Honnête et compatissant - après tout, il n'a tué personne, le cadavre était bien mort, et, comme dit le proverbe "trouver n'est pas voler" - le candide pragmatique commence à explorer les chemins de la corruption de l'âme pour s'enfoncer peu à peu dans l'immoralité la plus crasse, entraînant ses proches dans sa chute. Balloté par les circonstances d'une situation qu'il ne maîtrise plus, il a perdu la petite voix intérieure que l'on appelle l'éthique. Substituant à la jungle urbaine l'exubérance naturelle d'un lieu paradisiaque, Patrícia Melo complète ici un panorama sans complaisance du Brésil contemporain et porte un regard implacable sur la misère humaine, faite de bassesses et de mensonges. La barbarie que nous portons en nous est partout la même. Il n'y a pas de petits arrangements possibles avec la morale.